GROACH

Publié le par SWORM

Autrefois, pour retrouver le corps du beau gars emmené par la Groac'h ou la sorcière d'eau, « la Macralle d'Aïve », on plantait un cierge dans un pain qu'on allait poser sur l'étang ou la rivière; après quelques hésitations, le « chercheur d'âmes » conduisait directement au noyé exsangue : car plus délicates que les mâles, les Groac'h n'aspiraient que le sang des adultes et ne dévoraient que les tendres enfants. Ce funèbre cérémonial se renouvelait souvent, surtout à l'époque des fenaisons et moissons, quand les saisonniers assoiffés allaient se rafraîchir aux sources et fontaines. Plus malignes que les Sénandins, lorsque le gibier se faisait méfiant, elles abordaient les rives humides sous l'apparence de Nymphes gracieuses ou de demoiselles, et les benêts se laissaient charmer, tout fascinés par le spectacle des appas effrontés au lieu de deviner leur origine dans l'éclat trop vert et froid des yeux! Les Groac'h étaient devenues expertes dans l'art de la galante tromperie.
On raconte que l'une d'elles habitait le lac de la plus grande île des Glénans, en Bretagne. Comme elle passait pour être aussi riche que tous les rois réunis, beaucoup de jeunes gens étaient partis pour s'emparer de ses trésors ; mais aucun n'était revenu. Un jour, un garçon aborde l'île et, arrivé au bord de l'étang, entre dans un canot en forme de cygne qui s'anime tout à coup, l'entraîne loin du rivage et, plongeant avec lui sous l'eau, le dépose près d'un palais enchanté. Il y rencontre la dame qui lui découvre ses richesses, en lui disant que toutes les caisses d'or qu'engloutissent les naufrages sont apportées là par un courant magique, qu'elle a pouvoir de commander. La Groac'h lui propose de l'épouser, et, séduit, il accepte. Une fois qu'elle s'est absentée pour aller pêcher, le marié se met à couper des poissons à l'aide de son couteau trempé dans la fontaine de Saint-Corentin, l'exorciste des mauvais enchantements. Aussitôt les poissons redeviennent de petits hommes qui lui apprennent qu'ils ont été ainsi métamorphosés le lendemain de leurs noces avec la Groac'h. Effrayé, le garçon veut s'échapper, mais avertie par un « hydeux instinct », l'ogresse, qui a repris son véritable aspect, l'enferme dans un filet et le change en carpe qu'elle va jeter dans son vivier.

PEG POWLER
Au nord de l'Angleterre, tout au long de la Tees vivait Peg Powler, à la mâchoire pendante, aux gencives saignantes, aux dents et cheveux verts ; elle attirait les garçonnets et les fillettes coquettes en laissant sur les pierres des jouets, des rubans ou des dentelles. Une fois son festin terminé, elle déposait les os soigneusement nettoyés sur la rive. Jenny Dents Vertes assurait son garde-manger dans les eaux du Yorkshire. La Mère Engueule fonçait tous crocs dehors sur les petits nageurs s'ébattant dans les biefs des moulins ; elle secouait sa prise comme un chien pour lui briser les reins et plongeait avaler son repas pour revenir presque aussi vite à la charge. Son insatiable appétit lui avait valu le sobriquet de Mémé Goulue. Pour lui « caler le boyau » et l'amadouer, les enfants, espérant connaître des baignades tranquilles, venaient en vain, aux premiers beaux jours, lui vider l'auge des cochons.
Les Ogresses Vertes qui peuplaient les rives des nombreux étangs couvrant le territoire de Coges (Franche-Comté), fascinaient les hommes par leurs agaceries et les précipitaient ensuite au fond.
Les Dames bourbonnaises conviaient à la danse la jeunesse rentrant du bal, et quand elles les avaient séduits, elles les entraînaient sous les eaux. Gwaernardel comptait sur sa beauté, Hérodiade sur sa force, la Vougeote sur sa grâce juvénile, la Frisonne sur ses nattes blondes, la Beuffenie sur les « buffées » : jets de vapeur soporifiques qu'elle soufflait de ses larges naseaux au ras de l'eau. La Souillarde happait les chevilles des nénuphardiers, venus en cuissardes cueillir les calices blancs pour décorer les tables de chics restaurants parisiens. La Frisonne Geindresse imitait les cris de marmots tombés à l'eau et frappait le flot de ses mains palmées de façon désespérée pour hâter l'arrivée du sauveteur. Marie-Groëtte se dissimulait près des fleurs les plus belles. Madeleine aux grands cheveux s'accroupissait dans les fossés à purin, les mares nauséeuses. La Gofe remontait le long des tourbillons. Les Tiffenotes de Moselle n'hésitaient pas à tortiller de jolis derrières roses et Saurimonde la Fassilière connaissait un imprévisible répertoire de propositions salaces, à faire tomber raide le pêcheur le plus averti tout droit dans son bec. Marie-Griffon tricotait ses propres filets. La Donseillas jouait sur son exotisme. L'Echouise se transformait en anguille, se laissait ferrer et pêchait à l'envers, emmenant son trophée cramponné à l'autre bout de la ligne. Les Mirtes chantaient si bien sous l'écume des torrents que les adolescents, bouleversés, sautaient les retrouver. Les Sept Dames faisaient choisir l'une d'elles puis toutes se servaient. Les Dames noires endeuillées de la tête au palmes, entre deux soupirs, promettaient au consoleur un tempérament e veuve joyeuse. La Malfaisante du BasPoitou nouait sa chevelure aux nioles (barques) pour les attirer au fond chargées de leur contenu : « Le lac flottant l'a enlevé parmi ses eaux, parmi ses ondes. »

TAILLE
Diverses, sauf la Vougeote qui reste petitefille.

ASPECT
Adoptent les plus flatteuses apparences ou se transforment en poisson, en cygne, en barque, en tout article de pêche, flambant neufs, même en boîte « d'appats Dudule le poisson pullule. Mais de retour au foyer, elles
réendossent avec soulagement le confortable peignoir écailleux et les charentaises tétardiennes.
Laides à hurler: grosses larves myopes, à la eau flasque et transparente laissant voir un estomac distendu et geignard. Dents vertes sauf  grand mère « aux rouges dès ».

VÉTEMENTS
Mante d'écailles, mais adoptent le plus souvent le costume traditionnel local Les Gorgates et Farates portent des grandes capuches ainsi que la Bête Havette

NOURRITURE:
Lorsqu'elles sont privées de marmots et jouvenceaux, les Groach s'en prennent à la faune environnante : rat, poule d'eau, canard, le petit bétail qui vient s'abreuver. Dédaignent les poissons ; elles grignotent cependant en
amuse-gueule hydres, planaires, oligochètes, sangsues, décapodes, plécoptères, diptères et quelques amphibiens qu'elles arrosent d'un thé de séneçon jacobée.

HABITAT
Les palais de cristal ne seraient que mirages provoqués grâce à la magie. La vraie demeure des Groac'h est une grande coquille ovoïde modelé dans un mortier de vase et de bave solidifiées.

MoeuRS
Infâmes ; de vieux textes rapportent que « la Meuve en agonie d'amour n'épargne ni vieillard, ni cerf ni sanglier ».

ACTiVITES
Paresseuses. En dehors de la chasse, ne font rien de leurs seize doigts.

Publié dans Légendes

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